Bernin, 19 mai 2014
Tu dis à qui veut l'entendre que tu partiras jeudi en milieu de journée. C'est vrai que tu commences à croire que ces longs préparatifs se terminent. Une sacrée étape. Lors de ton précédent voyage, tu avais été occupé par la mise en état de ta maison que tu louais. Cette fois-ci, c'est le voyage et lui seul qui t'aura mangé tout ton temps. Tout d'abord la mécanique de propulsion du bateau. Tu as déjaugé pour la première fois il y a seulement une dizaine de jours... 12 mois que tu essayais. Tu aurais voulu que ce soit en juin 2013. Tu as pratiquement un an de retard. Ce déjaugeage si près du départ, c'est à la fois une belle nouvelle, et une plaisanterie. Tu es allé quinze fois au lac en te disant ‟cette fois-ci je déjauge”, mais il y avait à chaque fois quelque chose qui clochait. Pourtant, à chacun de ces essais, tu apprenais, tu progressais, tu comprenais un peu mieux les raisons de ton échec. Et le jour du déjaugeage, tu a été à peine surpris. Tu t'es juste dit ‟c'est donc cela la sensation de déjauger”... Pas plus impressionnant que lorsque tu poussais le lac entier en restant en dessous des 10 km/h.
Ce matin, tu as reçu ton autorisation pour traverser le Chukotka. Tu pensais bien la recevoir, mais voilà quelques semaines que tu n'avais plus aucune nouvelle des autorités Chukch. Les dates semblent parfaites. Il n'y a plus qu'à rejoindre cet Eldorado, ce ‟Very Far East”. Samedi, c'est l'immatriculation du bateau que tu recevais. Tu pensais partir sans aucun de ces deux documents, et voilà qu'ils arrivent à point.
Il n'y a pas eu que des bonnes nouvelles cette semaine. Vendredi, puis Samedi, tu voulais faire un dernier essai pour mesurer la consommation en planing. Mais alors que jusque là, le Lac du Bourget t'avait habitué à une platitude parfaite, il se prenait au mauvais moment pour un bout d'océan agité. Le vent, qui soufflait à 35-40 km/h, t'empêchait de tourner en entraînant avec lui l'avant du bateau et les vagues faisaient rebondir la moto sur les flotteurs dès que tu accélérais. Tu sais désormais que tu ne peux compter sur un déjaugeage sécurisé que sur une eau plate. Enfin, tu as fait une désagréable découverte en démontant ta mécanique : deux dents de la courroie secondaire avait été abimées, probablement par un bout de bois qui trainait dans l'eau. Tu avais imaginé ce cas de figure, mais tu avais été épargné jusque là. Tu avais même fini par oublier cette faille. Il te faudra prendre des courroies de rechange, et, pendant le voyage, imaginer un système pour améliorer la protection du bras mou de la courroie. Tout n'est pas encore réglé...
Aujourd'hui, tu as l'impression de ne pas avoir fait grand chose. Tu as quand même redémonté tes culbuteurs (il te faut trouver des cales de réglage pour le jeu de soupapes), tondu la pelouse, fait un saut à l'IUT, au bureau, rendu visite au soudeur, fait des courses à Casto, écrit une dizaine de mails, nettoyé le bateau en prévision de le renforcer à nouveau, et puis des dizaines d' petites choses. Et voilà que tu écrit ton premier article pour le blog. Finalement pas si mal cette journée! |